Lorsque je suis arrivée chez Miguel, à quelques kilomètres de l’aéroport de Montevideo, en Uruguay, je ne savais pas grand chose de lui. C’est Céline, dont j’ai découvert le blog Devenir paysans en voyageant, en fouinant sur internet qui m’avait conseillé : “Si tu vas en Uruguay, vas rencontrer Miguel Balzo, c’est quelqu’un de formidable”. Et elle avait raison.
Mardi 11 octobre
Je suis réveillée par le caquètement des poules. (Ce sont les gallinas feliz de Miguel. Traduisez “poulets joyeux” pour dire élevés en plein air. Génial non ?)
Confortablement installée dans mon duvet bien chaud, j’émerge doucement… Je regarde autour de moi : un dortoir de six lits en bois, un lavabo et une cheminée sur laquelle repose un tas de couvertures. Ma nouvelle petite maison est un peu rustique mais très agréable. Chez Miguel, je me sens merveilleusement bien.
J’avale rapidement un morceaux de la délicieuse tarte au chocolat meringuée que nous avons cuisiné hier et nous chargeons les minuscules plantes et les sachets de graines dans la camionnette. Sous le volant du vieux combi, Miguel connecte deux fils, appuie sur la pédale (je souris) et hop, nous voilà partis ! Direction : l’une de des huit écoles avec lesquelles il travaille.
A 69 ans, Miguel Balzo est un ingénieur agronome passionnant. Après avoir vécu et travaillé au Chili, il est revenu en Uruguay pour y développer un nouveau projet : “La Escuela Granja Agroecológica : Naturaleza y Vida”. Dans son jardin d’à peine un hectare il cultive une grande diversité de fruits et légumes en agroécologie, c’est à dire sans engrais chimiques ni pesticides. Choux, fèves, petits pois, oignons, salades, artichauts … le jardin abonde. Ici, les légumes ne sont pas plantés chacun dans un coin mais ensemble pour se protéger des insectes et des maladies. Les poireaux que j’ai planté par exemple se plaisent bien à côté des salades et le basilic est le meilleur médecin des tomates.
Cliquez sur une photo pour l’agrandir et faire défiler les suivantes 🙂
Au bout du jardin, il y a aussi un endroit ou Miguel laisse volontairement pousser des mauvaises herbes pour faire venir les insectes.
Côté fertilisant, Miguel produit du compost pour enrichir sa terre. Son lombricomposteur grouillant de vers de terre est tellement efficace que des pommes de terre y poussent toutes seules !!
Si le jardin de Miguel est avant tout un lieu de production, c’est aussi un peu un endroit d’expérimentation. J’y ai par exemple découvert un moyen génial de planter des pommes de terre de manière productive sans beaucoup d’espace. Tadada :
Et oui, en les mettant dans des pneus et en rajoutant terre et pneus au fur et à mesure que ça pousse, Miguel espère récolter ici 30 à 50 kg de pommes de terre. Son idée : prouver que l’on a pas besoin d’un immense espace pour produire son alimentation. Prêts à essayer ??? 😉
Dans sa petite serre, Miguel bichonne ses plants et cultive aussi des plantes médicinales qu’il transforme en “tintura”. “Cette plante est anti-cancer car sa capacité de reproduction est similaire à celle des cellules cancéreuses”, m’explique-t-il en me montrant un plant de Kalanchoe. Sur une étagère, dans sa petite cuisine, s’entassent des dizaines de bouteilles renfermant plantes et potions magiques. On se croirait un peu chez Merlin L’enchanteur…
Les enfants me permettent de rester jeune.”
Son savoir, Miguel le partage avec tous ceux qui, comme moi, souhaite venir travailler quelques jours avec lui mais aussi avec huit écoles des environs, un centre juvénile et une policlinique. Ce mardi, nous sommes allés dans trois écoles. A notre arrivée, les enfants courent saluer Miguel, s’emparent des plants que nous avons apportés et se pressent pour rassembler les outils. Le vieil homme sourit. “Il me permettent de rester jeune”, me dit-il. “Pas mon corps bien sûr mais dans ma tête ! C’est essentiel!”.
“Des poireaux!” “De la ciboulette !” “Et ça Miguel, c’est quoi ?” “Des melons, du choux des brocolis!”. Les enfants débordent d’énergie ! Je suis épatée. Ils sont fiers de connaître le noms des légumes et s’empressent de préparer la terre. Leurs petites mains s’activent pour arracher les mauvaises herbes et creuser des trous pour planter les jeunes pousses. “Attention, ils ont des sentiments !”, rigole une petite fille lorsque sa camarade manipule un plant sans trop de précaution. Elle dit cela pour plaisanter mais Miguel saisit la remarque au vol : “C’est vrai !”. Alors la petite fille se met à chanter en riant. Miguel a su leur transmettre la passion de la terre !
Le soir nous discutons beaucoup dans la petite cuisine de Miguel, un peu sommaire mais tout de même équipée d’un ordinateur. Autour d’un repas toujours excellent, il m’explique énormément de choses sur les plantes, leurs vertus et cherche sur internet une image lorsqu’on ne se comprend pas. (Certes mon espagnol s’améliore mais j’ai encore des petits problèmes avec les noms des légumes et des plantes 🙂 Je l’écoute avec attention et prends quelques notes pour ne pas oublier les noms des fleurs. “Que tanto escribes ?”, me dit-il, taquin. Je souris. La leçon reprend.
Jeudi 12 octobre
Hier, j’ai passé la journée à planter des poireaux (à côté des salades) et retrouvé le plaisir de travailler la terre. Le soir j’ai cuisiné une tarte aux épinards du jardin et nous avons mangé des crêpes à la dulce de leche (sorte de caramel local, un peu onctueux car il y a du lait ! Délicieux!!) Pour fêter cela, Miguel a ouvert une bouteille de vin. Un chouette moment de partage.
Ce matin, il pleut fort et les gouttes résonnent sur le toit de tôle. “Il fait un temps à rester au lit”, lance Miguel quand j’entre dans la cuisine. L’odeur des petits pain qu’il a préparé flotte encore dans l’air. Je les tartine du miel produit par l’un de ses amis, l’un des meilleurs que j’ai jamais mangé. Délicieux.
D’après le calendrier lunaire, c’est un bon jour pour semer mais…. il faut attendre 11 heures. Et oui, c’est précis ! On en profite pour sélectionner les graines et réviser les propriétés du pissenlit. Saviez vous que l’on peut faire du café avec les racines et que les feuilles facilitent la digestion ? Moi non 🙂 Merci Miguel.
Finalement nous ne semons pas de graines mais plantons des oignons, à côté des salades eux aussi. Miguel rigole parce que je n’utilise pas les outils qu’il m’a prêtés. “Quel plaisir de mettre les mains dans la terre, n’est-ce-pas ?” J’acquiesse… à 200 %.
Nous partageons un excellent jus de carotte et il est temps pour moi de remballer mes affaires. “Prends ce que tu veux dans le jardin”, me dit Miguel en me préparant un pot de miel. Il est comme ça Miguel, généreux. J’ai l’impression de partir de chez mon grand-père, avec mon petit sac plein de bonnes choses à manger. Je suis heureuse de voguer vers de nouvelles aventures mais un peu triste de quitter Miguel. Ces trois jours à ses côtés ont été merveilleux. Il a beaucoup à transmettre et le fait avec un réel plaisir. Tellement, qu’il a pour projet d’installer un dortoir dans son ancienne maison ravagée par un incendie pour accueillir des enfants sortis du système scolaire afin qu’ils apprennent le travail du jardin. De mon côté, je poursuis mon chemin le cœur léger mais il va falloir que je m’habitue aux au revoir…
Et oui c’est souvent dur de quitter ceux qu’on aime, mais comme tu ne peux pas mettre tout le monde dans ton sac à dos, garde avec toi leurs beaux messages qui resteront dans ton cœur.
C’est aussi pour une de ces raisons que je suis heureuse que tu fasses ce voyage, moi je garde dans mon cœur le poème de kalhil Gibran, que toutes les maman devraient connaître.
Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier.
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini, et Il vous tend de Sa puissance
pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l’Archer soit pour la joie;
Car de même qu’Il aime la flèche qui vole, Il aime l’arc qui est stable.
Maman Line : Magnifique poème, que je me permets de noter, je ne le connaissais pas !
Angélique : je voyage à travers tes articles, merci de nous faire découvrir ce VRAI monde, qui manque cruellement dans nos quotidiens occidentalisés… cette reconnexion à la Nature qu’on imagine perdu dans nos conforts modernes, est en réalité à portée de main pour tout voyageur qui part à sa recherche.
Bonne route !
Bonjour Angélique!
C’est très agréable d’avoir de tes nouvelles ! Merci poue ce petit exposé et pour ceux qui vont suivre! haha!
C’est sympa de pouvoir te lire!
Bonne continuation et encore de bonnes rencontres comme ce monsieur-jardinier-enchanteur!
Bisous
A bientôt!