La veille, Nadia, m’avait tout expliqué. « Il faut prendre la route qui passe ici, puis la 9 puis la 10. Ce n’est pas très compliqué ». Elle me prête un marqueur et un bout de carton. Je suis prête à rejoindre Cabo Polonio en stop. Mais le ciel en a décidé autrement.
Mercredi 19 octobre
Ce matin là, je suis réveillée par la pluie qui frappe fort sur le toit. « Ce n’est pas un bon jour pour faire du stop », me lance Nadia lorsque je sors de ma petite chambre. Je décide de suivre ses conseils d’auto-stoppeuse expérimentée et de prendre le bus.
La pluie ruisselle sur les fenêtres du bus et s’infiltre, par endroits, à l’intérieur. Je trouve un siège à l’abris des gouttières et, bercée par le mouvement du véhicule, laisse mes pensées vagabonder. Je sens des petits gazouillis dans mon ventre…. excitée de voguer vers de nouvelles aventures, vers l’inconnu … et de penser que ce n’est que le début ! J’ai encore beaucoup de temps devant moi pour faire des centaines de rencontres et réaliser de nombreux rêves. A cet instant, je m’imagine me réveiller dans ma petite toile de tente, au milieu de nul part … mais au sec ce serait mieux ;-)…
Cabo Polonio est un site naturel classé, où l’on pénètre soit dans l’un des 4×4 accrédités, soit en marchant 7 km à pieds. Vu la pluie qui s’abat aujourd’hui, j’opte pour le véhicule tout terrain. Après avoir traversé la forêt, le 4×4 progresse dans les dunes suivit par des chiens qui ne semblent pas dérangés par la pluie. La course se termine sur une immense plage d’où l’on commence à apercevoir quelques maisons colorées.
J’élis domicile dans l’une d’elles. Une petite auberge de jeunesse construite en bois qui laisse passer les courants d’air. Impossible de mettre le nez dehors. Blottie sous des couvertures, au coin du feu, je fais connaissance avec d’autres voyageurs autour d’une partie de cartes. Delphine vient de Suisse. Depuis quelques jours elle voyage avec Min Suk, coréen rencontré au Brésil. Il y a aussi Eduardo, Zorba, Rosana, Facu, Tracy… La partie se termine à la lumière de la bougie.
Car à Cabo Polonio, petit village perdu entre les dunes et la mer, la seule ligne électrique sert à alimenter le phare. Les petites maisons colorées, elles, sont équipées de panneaux solaires et/ou d’éoliennes. L’unique magasin, qui semble d’une autre époque est installé dans une grange. Le vieux vendeur au regard malicieux, vous sert lentement et pèse les légumes dans une balance avec des poids.
Jeudi 20 octobre
Le vent souffle encore fort entre les averses. Pas de quoi déranger la colonie de lions de mer « les lobos » installée sur les rochers, au pied du phare. Ni les teros, ces oiseaux au bec rouge qui n’hésitent pas à tournoyer au dessus de votre tête en faisant mine de vous attaquer si vous empiétez sur leur territoire. (C’est du vécu J)
Avec Delphine, Min Suk, Edouardo, Zorba et Rosana, nous avons enfilé nos manteaux et pantalons de pluie pour traverser les dunes et rejoindre Valisas. Ainsi équipés, au milieu de ce paysage lunaire, on dirait des astronautes partis à la conquête d’une autre planète ! Autour de nous, les dunes s’étendent à perte de vue, ponctuées par de petites lagunes. Le paysage est grandiose.
Au coucher du soleil, les dunes prennent une teinte rosée. « C’est magnifique ! » « On s’appelle cela l’heure de l’or », précise Edouardo, photojournaliste brésilien.
Nous terminons la rando, en pleine nuit, à la lumière de nos lampes frontales quand soudain Zorba s’écrit « Regardez ! Regardez ! » Sous nos pieds, des petits points s’illuminent : ce sont des planctons phosphorescents. Incroyable ! Nous rions et sautons dans tous les sens, émus de cette découverte.
Vendredi 21 octobre
L’hiver, environ 60 personnes résident à Cabo Polonio, tandis que l’été, 2.000 touristes se pressent chaque jour pour profiter des immenses plages. A quelques semaines de l’arrivée des vacanciers, tout le monde s’affaire. Le bruit des marteaux se mêle à celui des vagues.
« On est un peu hors du système, presque autonomes », Ruben, habitant de Cabo-Polonio
Pour alimenter sa maison et sa petite pension, Ruben a deux panneaux solaires et une éolienne. Je le rencontre en me promenant, ce vendredi matin. Sous le soleil, il me raconte la vie à Cabo Polonio. L’été, il gère sa « posada » et donne des cours de surf. L’hiver, il répare les maisons endommagées par le vent et la pluie. Il y a quelques années, il a quitté Montevideo pour s’installer dans ce paradis perdu. « J’aime vivre ici, au milieu de la nature », me confie-t-il. « On est un peu hors du système, presque autonomes. Cela me convient car le système est de pire en pire ». On discute pendant une bonne demi-heure, de la légalisation du cannabis en Uruguay, à l’école autonome de Jauréguiberry, en passant par les règles qui régissent la vie à Cabo Polonio. « Il est interdit de construire de nouvelles maisons », m’explique Ruben. « On peut seulement réparer celles qui existent déjà en utilisant des matériaux bien précis». Je laisse Ruben à sa peinture après qu’il m’ai confié l’un de ses rêves : « vivre dans le sud de la France ».
Je continue mon chemin à travers les dunes et les plages. Tranquillement, je m’imprègne de l’atmosphère de Cabo Polonio. Ce lieu dégage une énergie particulière qui me plait.
« Toi, tu vas faire comme moi, tu ne vas jamais repartir ! », Kim, Espagnol tombé amoureux de Cabo Polonio
Cette atmosphère unique, c’est ce qui a plu à Kim. Ce grand gaillard espagnol aux cheveux blonds frisés, âgé d’une trentaine d’années, a découvert Cabo Polonio lors d’un voyage avec des amis. Coup de foudre. Il est donc revenu pour travailler ici six mois à l’auberge de jeunesse où je réside. « J’aime l’esprit de partage et d’entraide qui règne ici », me confie-t-il un matin autour d’un café. « Tu vois, il y a une personne qui fait du pain, une autre qui fait des savons … chacun partage ce qu’il sait avec les autres ».
Le soir, lorsque je rentre épuisée mais heureuse, de ma journée de balade, il m’accueille avec le sourire. « Toi, tu vas faire comme moi, tu ne vas jamais repartir ! ».
(Note à ma grand-mère : Au départ Kim a quitté l’Espagne pour un stage de 2 mois au Pérou et ça fait un an et demi qu’il voyage en Amérique du Sud J)
Samedi 22 octobre
Celle qui fait des savons, c’est Béa. A ma grande surprise, ses savons ne sont pas seulement faits à partir d’huiles essentielles mais aussi… de cannabis. Autour d’un maté, Béa, vêtue d’une robe colorée et portant une fleure dans les cheveux m’explique les différentes vertus de la pante. Elle l’utilise également pour confectionner des baumes et des crèmes qui permettent, selon elle, de soigner divers maux.
Je passe une nouvelle journée à m’imprégner de cet endroit unique où l’on se reconnecte avec la nature. Le soir, je discute avec Lina, une française qui pratique le Reiki, une sorte de méditation lors de laquelle elle transmet de l’énergie à la personne avec qui elle fait la séance. Nous nous isolons dans l’une des chambres pour ma première séance. Waouh ! Ouverte à ce type de pratiques, je n’étais pas septique mais je ne pensais absolument pas ressentir autant l’énergie que Lina allait me transmettre. L’instant est magique, parfait pour clôturer mon séjour à Cabo Polonio.
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