Mardi 14 novembre 2017,

Iquitos exerce sur moi cette fascination des villes de l’Amazonie, héritage d’un passé glorieux mêlé à la précarité d’aujourd’hui. Les grandes bâtisses recouvertes d’azulejos portugais, témoins de l’âge d’or du caoutchouc, côtoient à quelques cuadras seulement, le bidonville flottant de Belen et son marché coloré mais crasseux.

C’est la plus grande ville du monde que l’on ne peut rejoindre qu’en avion ou en bâteau. (A lire par ici le récit de notre épopée en cargo depuis Yurimaguas) La chaleur est étouffante. J’ai l’impression d’être dans ces films où les explorateurs se mêlent aux grands propriétaires venus d’Europe vêtus de leurs costumes blancs et de leurs chapeaux ronds.

Autour de la Plaza de Armas (note de la rédaction : dans toutes les villes du Pérou, la place principale porte ce nom), les mototaxis circulent dans un tohu-bohu incessant. La ville est bruyante. Pour avoir un peu de répits il faut se balader sur le malecon, le petit boulevard qui longe le fleuve. De là, la vue est magnifique et après un orage à la pluie diluvienne, une superbe lumière brille sur l’Amazone.

Le marché de Belen est notre QG pour le petit déjeuner. Comme une petite routine, nous y avalons tous les matins un sandwich d’œufs et un jus multi-fruits bien frais. Cet endroit est un défilé de couleurs et d’odeurs. Alternance d’odeurs de fruits exotiques, de poisson, de viande pas fraiche, d’épices doux et fruités avec des odeurs de pisse, de crasse et de gras.

La plupart des fruits vendus ici proviennent de la côte ou du Chili et sont livrés par les immenses cargos qui sillonnent le fleuve depuis Yurimaguas ou Pucallpa. Car Iquitos se situe dans la selva baja, « la jungle basse », qui est régulièrement inondée et où il est difficile de cultiver des légumes. Du coup, les pommes, raisins et autres tomates sans goût s’achètent à prix d’or. Tout est plus cher qu’ailleurs, sauf les bananes, abondantes, et l’aguaje, ce petit fruit jaune à la carapace marron soupçonné d’être très chargé en hormones féminines. Je découvre avec grand plaisir plein de nouveaux fruits, comme la pomma rosa, mon préféré.

Les rues, étroites et sombres sont recouvertes de bâches pour protéger du soleil et de la pluie. Sur les étalages de bois rustiques, les poissons, lavés et vidés sont prêts à être grillés et attendent les acheteurs. Surabondance de poulets.

Le marché est immense et on y vend de tout. Il y a le coin des fringues avec ses tongues, ses mini-jupes et ses maillots de bains flashis. Celui des ustensiles de cuisines. Celui des télécommandes, piles et autres lampes torches. Celui des savons, lessives et produits d’entretiens. Celui des féculents, pâtes, riz, farine. Et celui des épices où se mêlent les odeurs de cannelle, de curcuma et de gingembre qui piquent les narines.

Mon endroit favori est le passage Paquito. Etroit, il est coincé entre le coin des vêtements et celui des vendeurs de tabac qui roulent des cigarettes dans une odeur puissante. Le passillo Paquito est celui des « sorcières ». On y trouve une multitude de plantes médicinales de la jungle fraiches ou sèches. Au milieu des eaux fleuries et palos santos il y a de nombreuses potions, crèmes et autres élixirs pour faire revenir l’être aimé ou retrouver sa puissance sexuelle.

Un vendeur de tabac, petit, vif, nous conduit à l’étale de sa tante qui nous vente les propriétés du Sangre de Grado, un liquide rouge, issu d’une écorce aux multiples vertus : « Cicatrisant, douleurs d’estomac, coup de froid. Todo ! », assure la vendeuse aux cheveux bruns tandis que son neveu nous montre comment l’appliquer. On trouve que c’est un peu cher. « Mais la santé c’est un investissement hermano ! Celui qui dépense peu au début, dépense plus à la fin ! »

J’aime l’ambiance de ce marché même si ses rues sont crasseuses et que tout le monde nous répète qu’il faut se méfier des voleurs.

Marché de Nanay

Mercredi 15 novembre 2018,

C’est depuis le port de Nanay qu’il faut embarquer pour voguer jusqu’à la confluence des fleuves Nanay et Amazone. L’eau foncée de l’un se mêle à l’eau plus claire de l’autre. Dans la barque qui nous y emmène, ma main glisse sur l’eau. On vogue sur l’Amazone quand même !

Marché de Nanay

Dans le port de Nanay, sous un hangar, sont installées de grandes tables au bout desquelles des femmes, tabliers à la ceinture, vendent du poisson et du caïman grillé. Ils sont servis accompagnés de Tacacho, une boule de banane écrasée. Ces stands se mêlent à ceux des vendeurs de fruits, de jus et de larves grillées. Mmmh … Croustillant !

Ce soir là, le Pérou affronte la Nouvelle-Zélande. La qualification au Mondial 2018 est en jeu ! Nous regardons la première mi-temps avec Juan sur l’écran géant du restaurant de l’école de cuisine où l’on réside. 1-0. Pour la seconde période, on rejoint la Plaza de Armas où des centaines de supporters en rouge et blancs se sont rassemblés pour supporter leur pays. Le Pérou s’impose 2-0. Depuis des mois, le pays était suspendu à cette victoire. En même, temps, ça faisait 36 que le Pérou n’avait pas été qualifié pour le mondial. Explosion de joie dans les rues d’Iquitos. Les mototaxis bondés de supporters brandissant des drapeaux enchainent les tours autour de la place. Bruits de pétards et de feux d’artifice. Le foot, c’est vraiment pas mon truc, mais les rassemblements et les fêtes qu’il génère, j’adore !

Jeudi 16 novembre 2017

A la laguna de Quistoqocha, un puissant orage nous surprend alors que nous marchons dans la forêt. Les éclairs dessinent des zigzags dans le ciel. Le tonnerre gronde tellement fort qu’on a l’impression que le ciel va se fendre en deux au dessus de nos têtes. Je pense à nos ancêtres les Gaulois. Vient ensuite la pluie. Torrentielle. Des petits torrents d’eaux se forment sur le sol emportant brindilles et colonies de fourmies dans leur sillage. L’air est chaud et humide. J’ai constamment de la buée sur mes lunettes.

Après s’être réfugiés sous une cabane, nous repartons en courant pieds nous sous la pluie en riant. Pour rentrer à Iquitos, je lève mon pouce et à peine deux minutes plus tard, nous grimpons à l’arrière d’une camionnette et rejoignons la ville les cheveux dans le vent.

L’orage s’est calmé… pour mieux reprendre quelques heures plus tard. Dans la nuit chaude d’Iquitos, les rues sont inondées. Dans l’école de cuisine, nous avons installé des sceaux pour récupérer l’eau qui s’infiltrent par les petites gouttières du toit. Après avoir emballé 300 sandwichs pour la fête d’une paroisse, je vais me coucher et m’endors, bercée par le bruit de la pluie.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Follow

Get the latest posts delivered to your mailbox: